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Rayonnages

Le dos, c'était d'un rose un peu pâle, ou alors ceux avec lesquels j'avais contact, le rose en avait été délavé par le temps, le soleil, la lumière des néons, les mains des enfants, les autres enfants qui les tripotaient comme je le faisais et pour ça, je les détestais sans les connaître.

Car même si ça me chagrinait lorsque j'y pensais debout là, d'autres y avaient probablement touché avant moi. Le rayon, il ne m'était pas réservé bien que c'était mon rêve le plus fou. Des fois j'imaginais ça, tout le truc seulement ouvert pour moi, je me serais baladé là-dedans comme un prince.

Comme Michael Jackson, dont j'ignorais tout alors, le ferait plus tard, de ce que j'ai vu je ne sais où, en se faisant ouvrir rien que pour lui les endroits où il voulait faire ses courses. Là, il faut s'imaginer ce que ça peut être, que d'être cette alors star, se baladant dans une solitude infinie dans des rayons surchargés de jouets, avec derrière, à bonne distance, ses gardes du corps, son staff, le directeur du magasin qui n'en revient pas, les fans collés aux vitrines comme des mouches sur du miel, une image de l'enfer en somme.

En tous cas, c'est les premiers dont j'ai souvenir. Il y en a forcément eu d'autres avant, mais je n'en ai plus traces. Ceux-là, d'avant, ça devait être ceux enfermés dans l'armoire vitrée, là-bas, dans l'école qui est sur sa butte à côté de l'église, enfin, ne l'est plus, plus comme école, mais l'était alors.

À moins que les premiers, ça se soit passé dans l'école des deux bonnes sœurs, plus bas dans le village, où on a tous commencé à apprendre à lire, à parler même cette langue qu'on avait pas, qui nous était toute neuve, dont on ne se servait que là, avec les sœurs parce que chez nous, on en avait encore une autre, une langue de rechange.